Ce que je voudrais ne pas toucher, C'est là ma nourriture, si dégoûtante soit-elle!

Qu'il plaise à Dieu de m'écraser, Qu'il étende sa main et qu'il m'achève!

Puisse mon voeu s'accomplir, Et Dieu veuille réaliser mon espérance!

Celui qui souffre a droit à la compassion de son ami, Même quand il abandonnerait la crainte du Tout Puissant.

Ne suis-je pas sans ressource, Et le salut n'est-il pas loin de moi?

Les caravanes de Théma fixent le regard, Les voyageurs de Séba sont pleins d'espoir;

Il me restera du moins une consolation, Une joie dans les maux dont il m'accable: Jamais je n'ai transgressé les ordres du Saint.

Pourquoi espérer quand je n'ai plus de force? Pourquoi attendre quand ma fin est certaine?

Ma force est-elle une force de pierre? Mon corps est-il d'airain?

Mes frères sont perfides comme un torrent, Comme le lit des torrents qui disparaissent.

Peut-on manger ce qui est fade et sans sel? Y a-t-il de la saveur dans le blanc d'un oeuf?

Car les flèches du Tout Puissant m'ont percé, Et mon âme en suce le venin; Les terreurs de Dieu se rangent en bataille contre moi.

Job prit la parole et dit:

Instruisez-moi, et je me tairai; Faites-moi comprendre en quoi j'ai péché.

Les glaçons en troublent le cours, La neige s'y précipite;

Ainsi, vous êtes comme si vous n'existiez pas; Vous voyez mon angoisse, et vous en avez horreur!

Vous ai-je dit: Donnez-moi quelque chose, Faites en ma faveur des présents avec vos biens,

L'âne sauvage crie-t-il auprès de l'herbe tendre? Le boeuf mugit-il auprès de son fourrage?

Viennent les chaleurs, et ils tarissent, Les feux du soleil, et leur lit demeure à sec.

Oh! s'il était possible de peser ma douleur, Et si toutes mes calamités étaient sur la balance,

Elles seraient plus pesantes que le sable de la mer; Voilà pourquoi mes paroles vont jusqu'à la folie!

Les caravanes se détournent de leur chemin, S'enfoncent dans le désert, et périssent.

Vous accablez un orphelin, Vous persécutez votre ami.

Que les paroles vraies sont persuasives! Mais que prouvent vos remontrances?

Ils sont honteux d'avoir eu confiance, Ils restent confondus quand ils arrivent.

Délivrez-moi de la main de l'ennemi, Rachetez-moi de la main des méchants?

Voulez-vous donc blâmer ce que j'ai dit, Et ne voir que du vent dans les discours d'un désespéré?

Y a-t-il de l'iniquité sur ma langue, Et ma bouche ne discerne-t-elle pas le mal?

Regardez-moi, je vous prie! Vous mentirais-je en face?

Revenez, ne soyez pas injustes; Revenez, et reconnaissez mon innocence.