J'avais fait un pacte avec mes yeux, Et je n'aurais pas arrêté mes regards sur une vierge.

Si l'étranger passait la nuit dehors, Si je n'ouvrais pas ma porte au voyageur;

Si, comme les hommes, j'ai caché mes transgressions, Et renfermé mes iniquités dans mon sein,

Je lui rendrai compte de tous mes pas, Je m'approcherai de lui comme un prince.

Si ma terre crie contre moi, Et que ses sillons versent des larmes;

Parce que j'avais peur de la multitude, Parce que je craignais le mépris des familles, Me tenant à l'écart et n'osant franchir ma porte...

Oh! qui me fera trouver quelqu'un qui m'écoute? Voilà ma défense toute signée: Que le Tout Puissant me réponde! Qui me donnera la plainte écrite par mon adversaire?

Celui qui m'a créé dans le ventre de ma mère ne l'a-t-il pas créé? Le même Dieu ne nous a-t-il pas formés dans le sein maternel?

Si j'ai regardé le soleil quand il brillait, La lune quand elle s'avançait majestueuse,

Qu'il y croisse des épines au lieu de froment, Et de l'ivraie au lieu d'orge! Fin des paroles de Job.

Si j'ai méprisé le droit de mon serviteur ou de ma servante Lorsqu'ils étaient en contestation avec moi,

Je porterai son écrit sur mon épaule, Je l'attacherai sur mon front comme une couronne;

Si j'ai mis dans l'or ma confiance, Si j'ai dit à l'or: Tu es mon espoir;

Si j'ai refusé aux pauvres ce qu'ils demandaient, Si j'ai fait languir les yeux de la veuve,

Si j'en ai mangé le produit sans l'avoir payée, Et que j'aie attristé l'âme de ses anciens maîtres;

Si mon coeur a été séduit par une femme, Si j'ai fait le guet à la porte de mon prochain,

Quelle part Dieu m'eût-il réservée d'en haut? Quel héritage le Tout Puissant m'eût-il envoyé des cieux?

Dieu n'a-t-il pas connu mes voies? N'a-t-il pas compté tous mes pas?

Si j'ai été joyeux du malheur de mon ennemi, Si j'ai sauté d'allégresse quand les revers l'ont atteint,

Que Dieu me pèse dans des balances justes, Et il reconnaîtra mon intégrité!

C'est un feu qui dévore jusqu'à la ruine, Et qui aurait détruit toute ma richesse.

Moi qui n'ai pas permis à ma langue de pécher, De demander sa mort avec imprécation;

Sans que ses reins m'aient béni, Sans qu'il ait été réchauffé par la toison de mes agneaux;

Qu'ai-je à faire, quand Dieu se lève? Qu'ai-je à répondre, quand il châtie?

Si j'ai mangé seul mon pain, Sans que l'orphelin en ait eu sa part,

Si j'ai marché dans le mensonge, Si mon pied a couru vers la fraude,

Si mon pas s'est détourné du droit chemin, Si mon coeur a suivi mes yeux, Si quelque souillure s'est attachée à mes mains,

Si je me suis réjoui de la grandeur de mes biens, De la quantité des richesses que j'avais acquises;

Et si mon coeur s'est laissé séduire en secret, Si ma main s'est portée sur ma bouche;

Car c'est un crime, Un forfait que punissent les juges;

Que ma femme tourne la meule pour un autre, Et que d'autres la déshonorent!

Si j'ai vu le malheureux manquer de vêtements, L'indigent n'avoir point de couverture,

Car les châtiments de Dieu m'épouvantent, Et je ne puis rien devant sa majesté.

La ruine n'est-elle pas pour le méchant, Et le malheur pour ceux qui commettent l'iniquité?

Que mon épaule se détache de sa jointure, Que mon bras tombe et qu'il se brise!

Si j'ai levé la main contre l'orphelin, Parce que je me sentais un appui dans les juges;

Moi qui l'ai dès ma jeunesse élevé comme un père, Moi qui dès ma naissance ai soutenu la veuve;

Si les gens de ma tente ne disaient pas: Où est celui qui n'a pas été rassasié de sa viande?

C'est encore un crime que doivent punir les juges, Et j'aurais renié le Dieu d'en haut!

Que je sème et qu'un autre moissonne, Et que mes rejetons soient déracinés!