Il fait des choses grandes et insondables, Des merveilles sans nombre.

Voici, il passe près de moi, et je ne le vois pas, Il s'en va, et je ne l'aperçois pas.

S'il enlève, qui s'y opposera? Qui lui dira: Que fais-tu?

Quand je serais juste, je ne répondrais pas; Je ne puis qu'implorer mon juge.

Dieu ne retire point sa colère; Sous lui s'inclinent les appuis de l'orgueil.

Lui qui m'assaille comme par une tempête, Qui multiplie sans raison mes blessures,

Suis-je juste, ma bouche me condamnera; Suis-je innocent, il me déclarera coupable.

Et quand il m'exaucerait, si je l'invoque, Je ne croirais pas qu'il eût écouté ma voix,

Et moi, comment lui répondre? Quelles paroles choisir?

Recourir à la force? Il est Tout Puissant. A la justice? Qui me fera comparaître?

Innocent! Je le suis; mais je ne tiens pas à la vie, Je méprise mon existence.

Mes jours sont plus rapides qu'un courrier; Ils fuient sans avoir vu le bonheur;

Qui ne me laisse pas respirer, Qui me rassasie d'amertume.

Je sais bien qu'il en est ainsi; Comment l'homme serait-il juste devant Dieu?

Job prit la parole et dit:

Il secoue la terre sur sa base, Et ses colonnes sont ébranlées.

La terre est livrée aux mains de l'impie; Il voile la face des juges. Si ce n'est pas lui, qui est-ce donc?

Il commande au soleil, et le soleil ne paraît pas; Il met un sceau sur les étoiles.

A lui la sagesse et la toute-puissance: Qui lui résisterait impunément?

Il transporte soudain les montagnes, Il les renverse dans sa colère.

Qu'importe après tout? Car, j'ose le dire, Il détruit l'innocent comme le coupable.

Si du moins le fléau donnait soudain la mort!... Mais il se rit des épreuves de l'innocent.

Ils passent comme les navires de jonc, Comme l'aigle qui fond sur sa proie.

S'il voulait contester avec lui, Sur mille choses il ne pourrait répondre à une seule.

Quand je me laverais dans la neige, Quand je purifierais mes mains avec du savon,

Je suis effrayé de toutes mes douleurs. Je sais que tu ne me tiendras pas pour innocent.

Je serai jugé coupable; Pourquoi me fatiguer en vain?

Si je dis: Je veux oublier mes souffrances, Laisser ma tristesse, reprendre courage,

Seul, il étend les cieux, Il marche sur les hauteurs de la mer.

Il n'y a pas entre nous d'arbitre, Qui pose sa main sur nous deux.

Il a créé la Grande Ourse, l'Orion et les Pléiades, Et les étoiles des régions australes.

Il n'est pas un homme comme moi, pour que je lui réponde, Pour que nous allions ensemble en justice.

Qu'il retire sa verge de dessus moi, Que ses terreurs ne me troublent plus;

Tu me plongerais dans la fange, Et mes vêtements m'auraient en horreur.

Alors je parlerai et je ne le craindrai pas. Autrement, je ne suis point à moi-même.